Mariage, famille pour toutes et tous : une question d'amour et d'égalité
Publié le 8 janvier 2013
Le débat sur le mariage pour tou-te-s s’avère particulièrement vif en France. Dans ce contexte, en tant qu’association homosexuelle chrétienne ouverte à toutes et tous, il nous est apparu nécessaire de nous re-questionner sur les enjeux de ce débat. Pour cela, nous nous sommes fondés à la fois sur des témoignages de vie ainsi que sur des études scientifiques et des contributions qui nous ont paru particulièrement importantes. Vous trouverez ci-dessous une synthèse de ce travail pour lecture. La synthèse et l’intégralité de l’argumentaire sont à votre disposition ci-dessous :
1 – Un débat à replacer dans le contexte de l’évolution sociale en France et à l’étranger
Un premier écueil est qu’au sein de notre société, il n’existe plus aujourd’hui de consensus unanime sur ce que signifie socialement le mariage. Reconnaissance publique des sentiments ? Encadrement juridique d’une vie à deux ? Lieu de filiation et noyau de base de la famille ? Le mariage n’est plus contenu dans l’une seule de ses dimensions.
Si l’on tente de repositionner le débat dans son contexte, il apparait que la demande de mariage pour tou-te-s n’est pas un processus isolé à la France. Elle s’inscrit dans un phénomène plus large : l’essor, au niveau mondial, du mouvement d’émancipation des minorités sexuelles. En ce sens, on peut voir le mariage homosexuel comme l’aboutissement positif d’un long processus de reconnaissance des libertés individuelles et de l’égalité entre les citoyen-ne-s quelles que soient leurs orientations sexuelles.
Plus globalement, la question du mariage pour tou-te-s dépasse largement la question du couple homosexuel ou de l’homoparentalité. La conjugalité et la famille ont fortement évolué depuis des siècles mais restent des éléments majeurs de notre société. Depuis la seconde guerre mondiale, la lutte pour l’égalité des femmes, la meilleure maîtrise de la fécondité humaine et du moment où on a des enfants, l’accroissement du nombre de divorces et de familles monoparentales ou recomposées, le grand nombre de naissances hors mariage, l’évolution du statut de l’enfant, l’allongement de la durée de la vie, la dépénalisation et la reconnaissance de l’homosexualité, la création du PACS, …, sont autant de facteurs qui ont transformé le visage du couple et de la parentalité.
Un débat démocratique sur ces évolutions de notre société (évolution de la famille, bioéthique…) est nécessaire. Toutefois il convient de traiter séparément les sujets et de ne pas faire porter par le ‘mariage pour tou-te-s’ l’ensemble des questions liées à l’évolution du couple et de la parentalité déjà présentes dans les familles hétérosexuelles.
Enfin, ce débat nous parait devoir être mené, dans le respect des fondements du droit (« droits de l’Homme ») et en se basant sur la réalité des vies humaines, qui viennent interroger les dogmes quels qu’ils soient.
2 – La vie sexuelle et affective évolue, cela peut être porteur de sens pour la société
Durant les dernières décennies, la sexualité s’est transformée suite au développement de la contraception, à la volonté des femmes de disposer de leur corps ainsi qu’à la surreprésentation du corps. Elle n’est donc plus liée directement à la procréation. Ceci a conduit à une diversification des comportements sexuels et affectifs dans toute la société.
Les parcours de vie de couples et de parents, dont l’association David & Jonathan est le témoin depuis 40 ans, montrent la diversité et la richesse d’amours vécus dans le respect de l’autre, de son « altérité ». Nous constatons que l’amour et l’engagement entre deux personnes de même sexe est une force de vie et de lien social, sous une forme qui peut être différente d’un couple hétérosexuel, mais porteuse de sens pour construire la société.
3 – Des questions d’égalité de droits et de devoirs
L’égalité est un des principes fondamentaux de notre République et de la Déclaration des droits de l’Homme.
Le respect de ce principe d’égalité ne permet pas de limiter le débat à une amélioration juridique du PACS ; c’est bien de l’ouverture du mariage civil à tou-te-s qu’il est question. En effet, le mariage civil porte une symbolique sociale importante, qui lui donne un sens que le PACS même amélioré n’a pas. Il s’agit d’inscrire l’union des couples homosexuels et des familles homoparentales dans le cadre de l’institution républicaine du mariage.
Certain-e-s, hétéros ou homos, considèrent que le mariage relève d’une tradition et d’une symbolique qui empêchent de l’ouvrir à de nouvelles formes de conjugalité et de famille. C’est leur droit légitime de ne pas se marier.
Pour autant, depuis sa création, le mariage civil a fortement changé au fur et à mesure de l’évolution de la société et notamment de l’émancipation féminine, au nom du principe d’égalité des droits et des devoirs. Aujourd’hui, face à une réalité des couples et des familles qui s’est profondément transformée en France, c’est le respect de ce principe d’égalité qui est réclamé.
4 – L’homoparentalité existe, et les enfants élevés par deux papas ou deux mamans sont comme les autres
Les études scientifiques fondées sur le vécu des familles homoparentales sont aujourd’hui nombreuses, en France comme à l’étranger, et elles sont concordantes : les enfants éduqués dans des familles homoparentales ne rencontrent pas de problèmes psychologiques spécifiques par rapport aux enfants d’autres familles, si ce n’est que certains de ces enfants sont confrontés à l’homophobie.
Il est nécessaire de donner un statut aux familles homoparentales car elles sont confrontées à des problèmes quotidiens aujourd’hui sans réponse (droits et devoirs du parent ‘social’). Il en va de la protection de l’enfant.
L’expérience de la Belgique et de l’Espagne sur la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes , ne montre pas de problème spécifique dans le développement des enfants. La problématique de l’accès aux origines est commune avec les couples hétérosexuels.
Les questions posées à l’occasion du débat sur l’homoparentalité ne lui sont pas toujours spécifiques ; en réalité, elles se posent depuis longtemps pour un grand nombre de familles hétérosexuelles (familles recomposées, parents ne pouvant pas avoir d’enfants, familles monoparentales) : rôle du parent ‘social’, adoption, procréation médicalement assistée et accès aux origines. Ces débats sont importants, quelle que soit l’orientation sexuelle des parents. Celle-ci ne suffit pas à elle seule à justifier une discrimination juridique.
5 – L’homophobie entraine des discriminations aux conséquences graves. Certains arguments employés dans le débat sur le mariage pour tou-te-s nourrissent cette homophobie.
L’homophobie désigne les manifestations de mépris, rejet, et haine envers des personnes, des pratiques ou des représentations homosexuelles ou supposées l’être . La pression sociale subie par nombre d’homosexuel-le-s engendre chez ces personnes une homophobie intériorisée (honte, culpabilité), qui peut avoir des conséquences dramatiques. Rappelons, par exemple, que le taux de suicide des jeunes gays est cinq fois supérieur à celui des jeunes hétéros (INPES, 2012).
Le projet de mariage pour tou-te-s porte un désir de reconnaissance de la dignité de l’amour homosexuel et des familles homoparentales, à égalité avec les autres couples et familles.
Certains arguments d’opposant-e-s au mariage pour tou-te-s expriment un refus de cette égale dignité, manifestant un mépris et un rejet de parcours de vies. Ils relèvent en cela de l’homophobie. De tels arguments ne sont plus acceptables, notamment en raison de leur impact auprès des jeunes LGBT en recherche de leur identité, auxquels ils renvoient une image dévalorisée d’eux-elles—mêmes.
6 – Le mariage pour tou-te-s est un projet qui fait sens pour de nombreux/ses chrétien-ne-s
L’utilisation littérale de certains passages des Ecritures (même associée à l’invocation de la « loi naturelle ») dans le simple but de s’opposer au mariage pour tou-te-s ne résiste pas longtemps à l’analyse. En effet l’homosexualité n’était pas l’objet de ces textes.
Contrairement à ce que voudraient faire croire certains responsables religieux, nombreux/ses sont les croyant-e-s qui ne sont pas d’accord avec les positions que ces responsables expriment en affirmant parler pour tou-te-s. Ils/elles sont nombreux/ses à avoir signé la pétition « L’Église aussi est diverse », marqués pour les catholiques par le concile de Vatican II qui réaffirme la primauté de l’amour, et la primauté du peuple de Dieu.
Ils/elles constatent la valeur spirituelle de l’engagement de couples de même sexe et de familles homoparentales.
Ils/elles s’efforcent de vivre pleinement dans le monde d’aujourd’hui l’esprit des Évangiles, qui nous appelle à mieux prendre en compte les plus fragiles et à lutter contre les inégalités.
7 – Le mariage pour tou-te-s ne provoquera pas plus en France qu’ailleurs d’effondrement de la civilisation
Dans le débat actuel, certains arguments créent des peurs disproportionnées qui rappellent des débats plus anciens sur de précédentes réformes, telles que l’émancipation féminine et la maîtrise des naissances, l’extension du droit de vote ou l’abolition de la peine de mort… Ces réformes, aujourd’hui considérées comme civilisatrices, ont à l’origine été dénoncées comme des menaces pour la civilisation.
Le mariage des personnes de même sexe et la reconnaissance de l’homoparentalité existent déjà depuis plusieurs années dans onze pays en Europe et sur d’autres continents et dans différents états de trois autres pays de nature fédérale. Dans aucun de ces pays la civilisation ou les structures sociales ne se sont effondrées. La famille n’a pas été détruite par cette réforme. Ce qui détruit la famille, c’est la violence sociale et l’individualisme qui isole. Il ne faut donc pas avoir peur de cette réforme, mais la penser et l’accompagner.
8 – D’autres pays nous observent attentivement
Pour beaucoup de pays, la France reste la « patrie des droits de l’Homme ». Son rôle précurseur est reconnu. Et pour beaucoup de pays francophones, le débat actuel sur le projet de mariage pour tou-te-s en France est suivi attentivement, avec espoir par les personnes LGBT qui y sont parfois discriminées voire persécutées.
La qualité de ce débat et la réussite de cette réforme auront sans aucun doute un impact important sur le regard porté sur les personnes LGBT dans leur pays.
9 – Le mariage pour tou-te-s sera une réforme réussie s’il permet de mieux vivre ensemble
Pour mieux vivre ensemble, celles et ceux d’entre nous qui veulent se marier doivent pouvoir le faire même si elles/ils sont de même sexe. Celles et ceux d’entre nous qui veulent adopter et élever des enfants doivent pouvoir le faire même si elles/ils sont de même sexe. Celles d’entre nous qui veulent porter des enfants avec l’aide de la PMA doivent pouvoir le faire même si elles sont de même sexe. Cette réforme fondée sur les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité, sera aussi une concrétisation de l’Amour légué par les Évangiles.
Il s’agit en effet de mieux vivre ensemble en considérant l’autre comme son égal en dignité et en droits et devoirs, quelle que soit son orientation affective et sexuelle, et en reconnaissant la diversité actuelle des vies familiales. Le mariage pour tou-te-s relève bien ainsi d’un choix de société et d’un choix de valeurs sur lesquelles doit pouvoir se construire cette société, sans mépris ni rejet de la diversité, mais en invitant au contraire celles et ceux qui étaient jusqu’à présent sur le bord de la route à y prendre leur part.
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