Thérapies de conversion : notre tribune dans La Croix
Publié le 8 octobre 2021
Thérapies de conversion : « Associer l’homosexualité à une souffrance ou une addiction est dangereux »
La loi pénalisant les « thérapies de conversion » a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le mardi 5 octobre. Premières concernées, les Églises chrétiennes s’en sont tenues à des déclarations de principes sans véritablement s’emparer du sujet. Retrouvez notre tribune dans La Croix:
La proposition de loi visant à pénaliser « les thérapies de conversion » a suscité une belle unanimité à l’Assemblée nationale. Il semblerait aujourd’hui de mauvais ton de se positionner autrement. Reste cependant cette question majeure : que désigne-t-on derrière l’expression « thérapie de conversion » ? Le travail réalisé notamment par la députée Laurence Vanceunebrock a abouti à une définition ample, qui condamne les « pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».
Les institutions religieuses, et notamment les Églises chrétiennes, peinent cependant à prendre des positions fortes, ou à se pencher sérieusement sur la question, au-delà de déclarations de principes tardives, quoique bienvenues. Il est nécessaire que cette loi, et les travaux qui l’ont accompagnée, soit l’occasion d’interroger enfin en profondeur nombre de pratiques qui persistent en leur sein.
Au premier rang de celles-ci, les démarches « psycho-spirituelles », particulièrement présentes au sein du renouveau charismatique. Sources de bien des dérapages et ambivalences, on retrouve grâce à celles-ci en circulation dans les milieux chrétiens des pseudo-théories de l’homosexualité, qui auraient pour origine divers troubles affectifs. Bon nombre des « thérapies de conversion » identifiées ont eu lieu dans le cadre de sessions Agapè, de sessions de « libération » à destination de personnes avec des supposées blessures affectives, de prières de délivrance…
Sans nécessairement qu’il y ait la prétention explicite de proposer un retour à l’hétérosexualité, le simple fait d’associer de près ou de loin l’homosexualité ou la bisexualité à une souffrance, voire à une compulsion ou une addiction, représente un danger. C’est risquer d’enfermer la personne dans la culpabilité, dans une vision d’elle-même comme malade ou défaillante, avec le mal-être qui s’ensuit. La confusion entre le registre moral et le vocabulaire psychologique, notamment de la blessure, favorise les pratiques de « thérapies de conversion », et demanderait à être cadrée. Les confusions et méconnaissance entre identité de genre et homosexualité, et les pressions à une conformité masculine ou féminine stéréotypée sont aussi un élément constitutif de « thérapies de conversion ».
Qui accompagne, avec quelle autorité et quelle formation, où commencent l’emprise et la manipulation, autant de questions qui se posent autour des « thérapies de conversion », qui plus est là où une forte condamnation morale autour de l’homosexualité règne encore, ce qui engendre souvent une présentation exclusivement négative et restrictive de celle-ci. Avant la crainte d’une éventuelle condamnation pénale, le souci du respect de l’intégrité des personnes devrait animer la vigilance des institutions religieuses, et celle de l’ensemble des chrétiens. Les propositions chrétiennes d’éducation et d’accompagnement à la sexualité et la vie affective, notamment dans le cadre des aumôneries ou de l’enseignement scolaire, mériteraient là aussi une introspection particulière sur les risques de dérives en leur sein.
Un soutien inconditionnel
Les personnes LGBT + (Lesbiennes, Gays, Bis, Trans), quel que soit leur âge, font face à des lourdes pressions sociales, souvent accentuées en contexte religieux, dans la conquête d’une vision positive d’elles-mêmes. Elles ont besoin, pour trouver leur place dans les Églises comme dans la société, d’un soutien inconditionnel, et d’un appui authentiquement bienveillant. C’est aussi ce que nous rappelle en creux la loi sur « les thérapies de conversion ». Il est regrettable en ce sens que la proposition de loi ait été le support d’expression d’opposants à une prise en charge bienveillante des jeunes mineurs transgenres, sur laquelle nous disposons pourtant bien d’un recul et de recommandations internationales.
Enjeu de taille, le repérage des pratiques de « thérapies de conversion », ou qui tendent à s’en rapprocher, demande un fin travail de veille et d’analyse, qui s’est déjà révélé délicat, et qui a peu d’acteurs pour le porter. À la multiplicité des cadres possibles de ces pratiques s’ajoute souvent le déni d’accompagnants sincères dans leur certitude d’apporter une aide aux personnes LGBT +. Des espaces de signalement et de dialogue proposés par les institutions religieuses elles-mêmes seraient salutaires, ainsi qu’une réelle reconnaissance des dommages causés ou à venir. Finalement, la promotion d’une meilleure intelligence pastorale et théologique sur les enjeux liés au genre et à la sexualité, et notamment l’homosexualité, est sans nul doute la clé essentielle pour mettre fin aux dérives des « thérapies de conversion ».
Lien vers la tribune: https://www.la-croix.com/Debats/Therapies-conversion-Associer-lhomosexualite-souffrance-addiction-dangereux-2021-10-08-1201179602
Crédit photo: Polymagou, Wikimedia Commons
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